Cette nouvelle sélection rend hommage, sur un mode interrogatif, à l’exposition marquante que le grand critique Bernard Lamarche-Vadel avait conçue en 1989, à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, pour le bicentenaire de la Révolution française.
Dans son esprit, eut-il l’occasion de le préciser, cette exposition, intitulée Des têtes, se voulait une pensée discrète, un peu nocturne, un hommage silencieux et méditatif presque mystique pour les victimes, et celles de l’échafaud plus particulièrement encore. (…) Dans cette kermesse commémorative, j’ai dit : dressons un sanctuaire momentané au mystère de la mort de tous ceux qui ont péri ; en deçà ou au-delà des raisons qui par ailleurs devenaient un nouveau marché national, j’ai inscrit le périmètre d’une trêve. De la paysannerie à la noblesse française, un lien national mortel a aussi eu lieu ; si l’on veut se souvenir, souvenons-nous aussi des morts. La pire égalité méritait qu’on la rappelât tant par ailleurs on s’acharnait à l’effacer.
Ce n’est pas un hasard si cette nouvelle semaine réunit notamment des artistes qui ont navigué entre abstraction et figuration, dans un au-delà de la représentation qui pourrait être la pure évocation d’une présence, à l’instar d’Henri Michaux, Maryan ou Mark Tobey, qui s’intéressent au surgissement de la forme. Les rejoignent d’autres qui, comme Leonor Fini, se sont attachés non à la représentation extérieure, mais à l’expression de ce qu’il y a de plus intérieur, nos peurs, nos désirs, nos rêves… Dessinés à partir des années 1940, ses visages imaginaires semblent surgir de la nuit des songes. Adolescente, elle avait souffert d’une conjonctivite rhumatismale l’ayant obligée à demeurer les yeux bandés, dans l’obscurité totale, pendant plus de deux mois. Sans doute, cette période de cécité a servi à cristalliser son imagination visuelle intérieure, alors qu’elle rêvait de ses propres mondes mythologiques, visions plus tard nourries par ses lectures avides de Sigmund Freud et de Carl Jung. Il revient à Gérard Zlotykamien de mettre un point (provisoire) à cette histoire, de la pointe d’une bombe de peinture, car ses Éphémères se sont précisément donnés pour but, depuis soixante ans, d’inventer un visage à ceux qui en ont été privés…